L’application de deux systèmes juridiques et les intérêts particuliers de membres d’une même famille peuvent rendre lent et compliqué le règlement d’une succession. Dans le but de maintenir la cohésion familiale et de permettre un partage équitable des biens du défunt, des règles sont prévues et gagnent à être appliqués avant même le décès du chef de famille.
Ce livret vous permettra de mieux comprendre les successions en droit sénégalais.
Que signifie la succession ?
C’est un acte consistant à transmettre un patrimoine (maison, voiture, somme d’argent, etc.), d’une personne décédée à une ou plusieurs autres personnes vivantes.
Quels sont les différents systèmes de succession au Sénégal ?
Au Sénégal, le Code de la famille réglemente les questions relatives aux successions dans les livres 6 et 7.
Ainsi, il existe deux systèmes successoraux qui sont applicables :
Peut-on opter pour (choisir) l’un des systèmes ?
Oui, mai la personne de son vivant doit manifester de façon expresse son choix pour le droit commun ou le droit musulman.
En l’absence de choix c’est le système de droit moderne (système de droit commun qui s’applique.
Dans la pratique ; le choix du système de droit musulman peut être déduit du comportement indiscutable du défunt.
Exemple :
Mohamed, père de famille, est décédé sans avoir laissé de testament. Mais étant membre d’une Dahira et se rendant quotidiennement à la mosquée, ses héritiers en déduisent que le droit musulman s’applique à la succession.
La succession de droit musulman est-elle automatiquement appliquée au défunt musulman ?
Non, sauf si le défunt avait manifesté sa volonté expresse (par écrit avec un testament) ou implicite (par sa pratique de la religion) de se voir appliquer les règles de la succession de droit musulman.
Quel est le moment et le lieu d’ouverture de la succession ?
La succession s’ouvre au décès de la personne, ou par décision judiciaire déclarant son décès en cas de disparition ou d’absence.
Quelles sont les choix qui s’offrent à l’héritier ou aux héritiers ?
Toute personne à laquelle une succession est dévolue (donnée) peut :
Exemple :
Au décès de son père Amadou a hérité de trois (3) immeubles objet d’hypothèque. Il a la possibilité de demander un inventaire du montant des dettes au tribunal. L’effet du bénéfice d’inventaire donne à Amadou deux avantages : de devoir payer les dettes de la succession dans la limite de la valeur des biens qu’il hérite, et de ne pas confondre ses biens personnels avec les biens de la succession.
Nota Bene :
En l’absence d’héritier ou de personne désignée pour exécuter le testament, la succession revient à l’ Etat.
Comment peut-on prouver son droit à l’héritage ?
Toute personne qui a droit à un héritage (héritier/héritière) doit produire un jugement d’hérédité. Pour se faire, elle doit saisir le tribunal d’instance qui rendra un jugement.
Les pièces à fournir sont :
Peut-on perdre son droit à la succession ?
Ne peut en aucun cas hériter (de plein droit), celui qui a été auteur, co-auteur ou complice d’assassinat ou de tentative d’assassinat, de sévices envers le défunt ou des membres de la famille.
Par contre, ne pourra hériter que s’il a bénéficié du pardon du défunt celui qui a été auteur, co-auteur, complice de sévices de délits d’injures graves ou pour avoir gravement porte atteinte à l’honneur, à la considération ou aux autres intérêts patrimoniaux du défunt ou de la famille.
Exemple :
Malick, enfant unique d’un milliardaire, ayant surpris son père dire à un de ses amis qu’il donnerait la moitié de sa fortune aux bonnes œuvres, attend la nuit du lendemain pour lui administrer du poison dans son diner. Il a été condamné par le tribunal pour son acte, et il sera exclu de la succession pour cet acte.
Quelle est la part d’héritage de la femme en droit musulman ?
En droit musulman l’épouse hérite :
Nota Bene :
Quel que soit leur nombre, dans le cas d’un mariage polygame les épouses se partagent à part égales soit le quart (1/4), soit le huitième (1/8) des biens du défunt.
La veuve non musulmane a-t-elle droit à l’héritage ?
Selon le droit commun, la veuve, quelque que soit sa religion, a droit à sa part d’héritage ; il en est de même si le partage de la succession a été fait selon des les règles du droit musulman.
Dans la pratique coutumière et religieuse, la veuve de confession non musulmane peut se voir refuser son droit à l’héritage, mais cette discrimination n’est pas acceptée par la loi moderne. La veuve peut donc saisir le juge du tribunal d’instance pour être rétablie dans ses droits et demander sa part d’héritage.
L’enfant naturel peut-il prétendre à une part de succession ?
Oui, dans le droit moderne, l’enfant naturel c’est-à-dire né hors mariage, s’il est reconnu par son père, a droit à sa part d’héritage au même titre que l’enfant légitime.
En droit musulman, s’il est ne hors mariage et reconnu par son père ; il doit justifier de l’acquiescement (dans l’acte de reconnaissance ou par déclaration distincte) de la veuve du mari défunt. A défaut, il n’aura le droit qu’à la moitie de la part d’un héritier légitime.
Les enfants naturels incestueux ont donc les mêmes droits que les enfants naturels reconnus.
Exemple :
Sidy est marié avec Khady. Il a eu une relation avec Maty avant son mariage, qui a donné naissance au petit Ibou. Au décès de Sidy, la veuve Khady, qui a participé à l’éducation et a vu grandir Ibou, accepté par écrit que Ibou puisse bénéficier au même titre que ses propres enfants de la succession de Sidy.
Qu’appelle -t-on indivision ?
Lorsqu’ une personne décède et avant le partage, la masse des biens et dettes du défunt est la propriété de chacun des héritiers. Cette situation d’attente ou le patrimoine (maison, voiture, compte bancaire,) du défunt appartient à tous les héritiers, s’appelle une indivision.
Toutefois, on ne peut obliger les héritiers à rester dans l’indivision. Chacun des héritiers peut à tout moment saisir le tribunal d’instance, pour demander la liquidation de la succession et mettre ainsi fin à l’indivision.
Exemple :
Après son décès Samba laisse à ses héritiers deux terrains et une maison. Tant que ces biens ne sont pas vendus, tous les héritiers sont propriétaires selon les disposions prévues par le droit.
Les dettes laissées par le défunt font-elles partie de la succession ?
Oui, les dettes laissées par le défunt, appelées « passif » font parties de la succession.
Chacun des héritiers est tenu en paiement des dettes et charges de la succession qu’en proportion. Cde sa part héréditaire.
Toutefois, tant que la succession n’est pas liquidée, les créanciers peuvent poursuivre le recouvrement (le remboursement) de leurs créances sur l’ensemble du patrimoine du défunt.
14 Comment partager la masse successorale ?
Le partage successoral peut se faire soit à l’amiable, soit par voie judiciaire :
Si tous les héritiers sont présents et capables, le partage peut être fait dans la forme et par tout acte que les intéressés jugent convenable. Les héritiers peuvent composer des lots à leur gré en décidant d’un commun accord de leurs attributions ou de leurs tirages au sort.
Cet accord à l’amiable doit être homologué (validé) par le tribunal d’instance.
Il se fait devant le tribunal d’instance, saisi par une demande (voir la liste des pièces à fournir expliquée avant dans ce livret à la page 7)
Nota Bene :
Si parmi les successibles se trouvent un enfant simplement conçu, le partage est suspendu jusqu’ à la naissance.